Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

principal objet, si nous sommes l’unique but de nous-mêmes, la paix doit être bientôt rétablie entre ces deux proches alliés, celui qui a eu tort et celui qui en souffre. C’est presque un proverbe généralement admis, que, dans ce qui ne concerne que soi, chacun est libre ; or, puisque dans la morale fondée sur l’intérêt il ne s’agit jamais que de soi, je ne sais pas ce qu’on auroit à répondre à celui qui diroit : « Vous me donnez pour mobile de mes actions mon propre avantage ; bien obligé ; mais la manière de concevoir cet avantage dépend nécessairement du caractère de chacun. J’ai du courage, ainsi je puis braver mieux qu’un autre les périls attachés à la désobéissance aux lois reçues ; j’ai de l’esprit ; ainsi je me crois plus de moyens pour éviter d’être puni ; enfin, si cela me tourne mal, j’ai assez de fermeté pour prendre mon parti de m’être trompé ; et j’aime mieux les plaisirs et les hasards d’un gros jeu que la monotonie d’une existence régulière. »

Combien d’ouvrages français, dans le dernier siècle, n’ont-ils pas commenté ces arguments qu’on ne sauroit réfuter complètement ; car, en fait de chances, une sur mille peut suffire pour exciter l’imagination à tout faire pour l’obtenir ;