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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

inspire une sorte d’intérêt, tandis que les Allemands, n’osant confesser cette foiblesse qui leur va si mal, sont flatteurs avec énergie et vigoureusement soumis. Ils accentuent durement les paroles pour cacher la souplesse des sentiments, et se servent de raisonnements philosophiques pour expliquer ce qu’il y a de moins philosophique au monde : le respect pour la force, et l’attendrissement de la peur qui change ce respect en admiration.

C’est à de tels contrastes qu’il faut attribuer la disgrâce allemande que l’on se plaît à contrefaire dans les comédies de tous les pays. Il est permis d’être lourd et roide, lorsqu’on reste sévère et ferme ; mais si l’on revêt cette roideur naturelle du faux sourire de la servilité, c’est alors que l’on s’expose au ridicule mérité, le seul qui reste. Enfin il y a une certaine maladresse dans le caractère des Allemands, nuisible à ceux même qui auroient la meilleure envie de tout sacrifier à leur intérêt, et l’on s’impatiente d’autant plus contre eux, qu’ils perdent les honneurs de la vertu, sans arriver aux profits de l’habileté.

Tout en reconnoissant que la philosophie allemande est insuffisante pour former une nation,