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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

j’ose insulter aux mortels en leur avouant que je me suis servi de la science mondaine, que j’ai dérobé les vases d’Égypte pour en construire un temple à mon Dieu. Si l’on me pardonne, je m’en réjouirai ; si l’on me blâme, je le supporterai. Le sort en est jeté, j’écris ce livre : qu’il soit lu par mes contemporains ou par la postérité, n’importe ; il peut bien attendre un lecteur pendant un siècle, puisque Dieu lui-même a manqué, durant six mille années, d’un contemplateur tel que moi. » Cette expression hardie d’un orgueilleux enthousiasme prouve la force intérieure du génie.

Goethe a dit sur la perfectibilité de l’esprit humain un mot plein de sagacité : Il avance toujours en ligne spirale. Cette comparaison est d’autant plus juste, qu’à beaucoup d’époques il semble reculer, et revient ensuite sur ses pas, en ayant gagné quelques degrés de plus. Il y a des moments où le scepticisme est nécessaire au progrès des sciences ; il en est d’autres où, selon Hemsterhuis, l’esprit merveilleux doit l’emporter sur l’esprit géométrique. Quand l’homme est dévoré, ou plutôt réduit en poussière par l’incrédulité, cet esprit merveilleux est le seul qui rende à l’âme une puissance d’admi-