Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

Un Allemand, Chladni, a fait nouvellement l’expérience que les vibrations des sons mettent en mouvement des grains de sable réunis sur un plateau de verre, de telle manière que, quand les tons sont purs, les grains de sable se réunissent en formes régulières, et quand les tons sont discordants, les grains de sable tracent sur le verre des figures sans aucune symétrie. L’aveugle-né Sanderson disait qu’il se représentoit la couleur écarlate comme le son de la trompette, et un savant a voulu faire un clavecin pour les yeux qui pût imiter par l’harmonie des couleurs le plaisir que cause la musique. Sans cesse nous comparons la peinture à la musique, et la musique à la peinture, parce que les émotions que nous éprouvons nous révèlent des analogies où l’observation froide ne verroit que des différences. Chaque plante, chaque fleur contient le système entier de l’univers ; un instant de vie recèle en son sein l’éternité, le plus foible atome est un monde, et le monde peut-être n’est qu’un atome. Chaque portion de l’univers semble un miroir où la création toute entière est représentée, et l’on ne sait ce qui inspire le plus d’admiration, ou de la pensée, toujours la même, ou de la forme, toujours diverse.