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NOUVELLE PHILOSOPHIE ALLEMANDE.

encore mépriser ceux qui ne s’amusent point d’un ouvrage composé selon les lois de l’idéal et du réel. On a tort presque toujours quand on blâme le jugement du public dans les arts, car l’impression populaire est plus philosophique encore que la philosophie même, et quand les combinaisons de l’homme instruit ne s’accordent pas avec cette impression, ce n’est point parce que ces combinaisons sont trop profondes, mais plutôt parce qu’elles ne le sont pas assez.

Néanmoins il vaut infiniment mieux, ce me semble, pour la littérature d’un pays, que sa poétique soit fondée sur des idées philosophiques, même un peu abstraites, que sur de simples règles extérieures ; car ces règles ne sont que des barrières pour empêcher les enfants de tomber.

L’imitation des anciens a pris chez les Allemands une direction toute autre que dans le reste de l’Europe. Le caractère consciencieux dont ils ne se départent jamais les a conduits à ne point mêler ensemble le génie moderne avec le génie antique ; ils traitent à quelques égards les fictions comme de la vérité, car ils trouvent le moyen d’y porter du scrupule ; ils appliquent aussi cette même disposition à la connoissance exacte et profonde des monuments qui nous restent des