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NOUVELLE PHILOSOPHIE ALLEMANDE.

liment à l’homme. Si l’utile avoit le premier rang dans la nature, ne revêtiroit-elle pas de plus de charmes les plantes nutritives que les roses, qui ne sont que belles ? Et d’où vient cependant que, pour parer l’autel de la Divinité, l’on chercheroit plutôt les inutiles fleurs que les productions nécessaires ? D’où vient que ce qui sert au maintien de notre vie a moins de dignité que les beautés sans but ? C’est que le beau nous rappelle une existence immortelle et divine dont le souvenir et le regret vivent à la fois dans notre cœur.

Ce n’est certainement pas pour méconnoître la valeur morale de ce qui est utile que Kant en a séparé le beau ; c’est pour fonder l’admiration en tout genre sur un désintéressement absolu ; c’est pour donner aux sentiments qui rendent le vice impossible la préférence sur les leçons qui servent à le corriger.

Rarement les fables mythologiques des anciens ont été dirigées dans le sens des exhortations de morale ou des exemples édifiants ; et ce n’est pas du tout parce que les modernes valent mieux qu’eux qu’ils cherchent souvent à donner à leurs fictions un résultat utile, c’est plutôt parce qu’ils ont moins d’imagination, et qu’ils transportent