Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

mées pour la plupart d’après les bonnes manières françaises ; mais il s établit maintenant parmi les philosophes hommes de lettres une éducation qui est aussi de bon goût quoique dans un autre genre. On y considère la véritable élégance comme inséparable de l’imagination poétique et de l’attrait pour les beaux-arts, et la politesse comme fondée sur la connoissance et l’appréciation des talents et du mérite.

On ne sauroit nier cependant que les nouveaux systèmes philosophiques et littéraires n’aient inspiré à leurs partisans un grand mépris pour ceux qui ne les comprennent pas. La plaisanterie française veut toujours humilier par le ridicule, sa tactique est d’éviter l’idée pour attaquer la personne, et le fond pour se moquer de la forme. Les Allemands de la nouvelle école considèrent l’ignorance et la frivolité comme les maladies d’une enfance prolongée ; ils ne s’en sont pas tenus à combattre les étrangers, ils s’attaquent aussi eux-mêmes les uns les autres avec amertume, et l’on diroit, à les entendre, qu’un degré de plus en fait d’abstraction ou de profondeur donne le droit de traiter en esprit vulgaire et borné quiconque ne voudroit pas ou ne pourroit pas y atteindre.