Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
NOUVELLE PHILOSOPHIE ALLEMANDE.

certes les Allemands n’en sont pas soupçonnés. La subtilité philosophique qui nous fait démêler les moindres fils de nos pensées est précisément ce qui doit porter le plus loin le génie, car une réflexion dont il résulteroit peut-être les plus sublimes inventions, les plus étonnantes découvertes, passe en nous-mêmes inaperçue, si nous n’avons pas pris l’habitude d’examiner avec sagacité les conséquences et les liaisons des idées les plus éloignées en apparence.

En Allemagne, un homme supérieur se borne rarement à une seule carrière. Goethe fait des découvertes dans les sciences, Schelling est un excellent littérateur, Frédéric Schlegel un poëte plein d’originalité. On ne sauroit peut-être réunir un grand nombre de talents divers, mais la vue de l’entendement doit tout embrasser.

La nouvelle philosophie allemande est nécessairement plus favorable qu’aucune autre à l’étendue de l’esprit ; car, rapportant tout au foyer de l’âme, et considérant le monde lui-même comme régi par des lois dont le type est en nous, elle ne sauroit admettre le préjugé qui destine chaque homme d’une manière exclusive à telle ou telle branche d’études. Les philosophes idéalistes croient qu’un art, qu’une science,