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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

contraire, c’est-à-dire la nature divinisée, à force d’inspirer de la religion pour tout, la disperse sur l’univers et ne la concentre point en nous-mêmes.

Ce système a eu dans tous les temps beaucoup de partisans parmi les philosophes. La pensée tend toujours à se généraliser de plus en plus, et l’on prend quelquefois pour une idée nouvelle ce travail de l’esprit qui s’en va toujours ôtant ses bornes. On croit parvenir à comprendre l’univers comme l’espace, en renversant toujours les barrières, en reculant les difficultés sans les résoudre, et l’on n’approche pas davantage ainsi de l’infini. Le sentiment seul nous le révèle sans l’expliquer.

Ce qui est vraiment admirable dans la philosophie allemande, c’est l’examen qu’elle nous fait faire de nous-mêmes ; elle remonte jusqu’à l’origine de la volonté, jusqu’à cette source inconnue du fleuve de notre vie ; et c’est là que, pénétrant dans les secrets les plus intimes de la douleur et de la foi, elle nous éclaire et nous affermit. Mais tous les systèmes qui aspirent à l’explication de l’univers ne peuvent guère être analysés clairement par aucune parole : les mots ne sont pas propres à ce genre d’idées, et il en résulte que, pour les