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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

tions, et la profondeur de son esprit étonne surtout quand il ne prétend pas l’appliquer au secret de l’univers ; car aucun homme ne peut atteindre à aucun genre de supériorité qui ne sauroit exister entre des êtres de la même espèce, à quelque distance qu’ils soient l’un de l’autre.

Pour conserver des idées religieuses au milieu de l’apothéose de la nature, l’école de Schelling suppose que l’individu périt en nous, mais que les qualités intimes que nous possédons rentrent dans le grand tout de la création éternelle. Cette immortalité-là ressemble terriblement à la mort ; car la mort physique elle-même n’est autre chose que la nature universelle qui se ressaisit des dons qu’elle avoit faits à l’individu.

Schelling tire de son système des conclusions très-nobles sur la nécessité de cultiver dans notre âme les qualités immortelles, celles qui sont en relation avec l’univers, et de mépriser en nous-mêmes tout ce qui ne tient qu’à nos circonstances. Mais les affections du cœur et la conscience elle-même ne sont-elles pas attachées aux rapports de cette vie ? Nous éprouvons dans la plupart des situations deux mouvements tout-à-fait distincts, celui qui nous unit à l’ordre général, et celui qui nous ramène à nos intérêts particu-