Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
DES PHILOSOPHES ALLEMANDS.

ment a néanmoins l’avantage d’exciter au plus haut degré l’activité de l’esprit ; mais la nature et l’amour perdent tout leur charme par ce système ; car si les objets que nous voyons et les êtres que nous aimons ne sont rien que l’œuvre de nos idées, c’est l’homme lui-même qu’on peut considérer alors comme le grand célibataire du monde. Il faut reconnoître cependant deux grands avantages de la doctrine de Fichte : l’un sa morale stoïque, qui n’admet aucune excuse ; car tout venant du MOI, c’est à ce MOI seul à répondre de l’usage qu’il fait de sa volonté : l’autre un exercice de la pensée, tellement fort et subtil en même temps, que celui qui a bien compris ce système, dût-il ne pas l’adopter, auroit acquis une puissance d’attention et une sagacité d’analyse qu’il pourroit ensuite appliquer en se jouant à tout autre genre d’étude.

De quelque manière qu’on juge l’utilité de la métaphysique, on ne peut nier qu’elle ne soit la gymnastique de l’esprit. On impose aux enfants divers genres de lutte dans leurs premières années, quoiqu’ils ne soient point appelés à se battre de cette manière un jour. On peut dire avec vérité que l’étude de la métaphysique idéaliste est presque un moyen sûr de développer les facultés mo-