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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

C’est à cette âme inébranlable, témoin de l’âme mobile, que Fichte attribue le don de l’immortalité et la puissance de créer, ou, pour traduire plus exactement, de rayonner en elle-même l’image de l’univers. Ce système qui fait tout reposer sur le sommet de notre existence, et place la pyramide sur la pointe, est singulièrement difficile à suivre. Il dépouille les idées des couleurs qui servent si bien à les faire comprendre ; et les beaux-arts, la poésie, la contemplation de la nature disparoissent dans ces abstractions sans mélange d’imagination ni de sensibilité.

Fichte ne considère le monde extérieur que comme une borne de notre existence, sur laquelle la pensée travaille. Dans son système, cette borne est créée par l’âme elle-même, dont l’activité constante s’exerce sur le tissu qu’elle a formé. Ce que Fichte a écrit sur le MOI métaphysique ressemble un peu au réveil de la statue de Pygmalion, qui, touchant alternativement elle-même et la pierre sur laquelle elle étoit placée, dit tour à tour : — C’est moi, et ce n’est pas moi. — Mais quand, en prenant la main de Pygmalion, elle s’écrie : — C’est encore moi ! — Il s’agit déjà d’un sentiment qui dépasse de beaucoup la sphère des idées abstraites. L’idéalisme dépouillé du senti-