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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

nier ; mais dans la carrière philosophique et littéraire on voudroit obliger l’esprit humain à courir sans cesse la bague de la vanité autour du même cercle.

Ce n’est point simplifier le système de l’univers que de s’en tenir à cette philosophie expérimentale, qui présente un genre d’évidence faux dans le principe, quoique spécieux dans la forme. En considérant comme non existant tout ce qui dépasse les lumières des sensations, on peut mettre aisément beaucoup de clarté dans un système dont on trace soi-même les limites : c’est un travail qui dépend de celui qui le fait. Mais tout ce qui est au-delà de ces limites en exite-t-il moins parce qu’on le compte pour rien ? L’incomplète vérité de la philosophie spéculative approche bien plus de l’essence même des choses que cette lucidité apparente qui tient à l’art d’écarter les difficultés d’un certain ordre. Quand on lit dans les ouvrages philosophiques du dernier siècle ces phrases si souvent répétées : Il n’y a que cela de vrai, tout le reste est chimère, on se rappelle cette histoire connue d’un acteur français, qui, devant se battre avec un homme beaucoup plus gros que lui, proposa de tirer sur le corps de son adversaire une ligne au-delà de laquelle les coups ne compteroient plus. Au-delà