Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
KANT.

se haïssent dans ce pays comme dans tout autre, mais aucun n’oseroit se présenter au combat sans avoir prouvé par des études solides l’amour sincère de la science dont il s’occupe. Il ne suffit pas d’aimer le succès, il faut le mériter pour être admis seulement à concourir. Les Allemands, si indulgents quand il s’agit de ce qui peut manquer à la forme d’un ouvrage, sont impitoyables sur sa valeur réelle ; et quand ils aperçoivent quelque chose de superficiel dans l’esprit, dans l’âme ou dans le savoir d’un écrivain, ils tâchent d’emprunter la plaisanterie française elle-même pour tourner en ridicule ce qui est frivole.

Je me suis proposé de donner dans ce chapitre un aperçu rapide des principales opinions des philosophes célèbres avant et après Kant ; on ne pourroit pas bien juger la marche qu’ont suivie ses successeurs, si l’on ne retournoit pas en arrière pour se représenter L’état des esprits au moment où la doctrine Kantienne se répandit en Allemagne : elle combattoit à la fois le système de Locke, comme tendant au matérialisme, et l’école de Leibnitz, comme ayant tout réduit à l’abstraction.

Les pensées de Leibnitz étoient hautes ; mais