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KANT.

mais un caractère particulier dans la doctrine de Kant.

Elle se ressent de la philosophie du dix-huitième siècle, quoiqu’elle soit destinée à la réfuter, parce qu’il est dans la nature de l’homme d’entrer toujours en composition avec l’esprit de son temps, lors même qu’il veut le combattre. La philosophie de Platon est plus poétique que celle de Kant, la philosophie de Malebranche plus religieuse ; mais le grand mérite du philosophe allemand a été de relever la dignité morale, en donnant pour base à tout ce qu’il y a de beau dans le cœur une théorie fortement raisonnée. L’opposition qu’on a voulu mettre entre la raison et le sentiment conduit nécessairement la raison à l’égoïsme et le sentiment à la folie ; mais Kant, qui sembloit appelé à conclure toutes les grandes alliances intellectuelles, a fait de l’âme un seul foyer où toutes les facultés sont d’accord entre elles.

La partie polémique des ouvrages de Kant, celle dans laquelle il attaque la philosophie matérialiste, seroit à elle seule un chef-d’œuvre. Cette philosophie a jeté dans les esprits de si profondes racines, il en est résulté tant d’irréligion, et d’égoïsme, qu’on devroit encore regarder