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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

Pour bien concilier la philosophie expérimentale avec la philosophie idéaliste. Kant n’a point soumis l’une à l’autre, mais il a su donner à chacune des deux séparément un nouveau degré de force. L’Allemagne étoit menacée de cette doctrine aride, qui considéroit tout enthousiasme comme une erreur, et rangeoit au nombre des préjugés les sentiments consolateurs de l’existence. Ce fut une satisfaction vive pour des hommes à la fois si philosophes et si poètes, si capables d’étude et d’exaltation, de voir toutes les belles affections de l’âme défendues avec la vigueur des raisonnements les plus abstraits. La force de l’esprit ne peut jamais être long-temps négative, c’est-à-dire, consister principalement dans ce qu’on ne croit pas, dans ce qu’on ne comprend pas, dans ce qu’on dédaigne. Il faut une philosophie de croyance, d’enthousiasme ; une philosophie qui confirme par la raison ce que le sentiment nous révèle.

Les adversaires de Kant l’ont accusé de n’avoir fait que répéter les arguments des anciens idéalistes ; ils ont prétendu que la doctrine du philosophe allemand n’étoit qu’un ancien système dans un langage nouveau. Ce reproche n’est pas fondé. Il y a non-seulement des idées nouvelles,