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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

échappons par la vigueur de la volonté au sentiment de notre foiblesse physique. Le pouvoir du destin et l’immensité de la nature sont dans une opposition infinie avec la misérable dépendance de la créature sur la terre ; mais une étincelle du feu sacré dans notre sein triomphe de l’univers, puisqu’il suffit de cette étincelle pour résister à ce que toutes les forces du monde pourroient exiger de nous.

Le premier effet sublime est d’accabler l’homme ; et le second, de le relever. Quand nous contemplons l’orage qui soulève les flots de la mer et semble menacer et la terre et le ciel, l’effroi s’empare d’abord de nous à cet aspect, bien qu’aucun danger personnel ne puisse alors nous atteindre ; mais quand les nuages s’amoncellent, quand toute la fureur de la nature se manifeste, l’homme se sent une énergie intérieure qui peut l’affranchir de toutes les craintes, par la volonté ou par la résignation, par l’exercice ou par l’abdication de sa liberté morale ; et cette conscience de lui-même le ranime et l’encourage.

Quand on nous raconte une action généreuse, quand on nous apprend que des hommes ont supporté des douleurs inouïes pour rester fidèles à leur opinion, jusque dans ses moindres nuances,