Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
KANT.

goûts ; il ne pourroit mériter cet assentiment universel qui est le véritable caractère de la beauté. Le beau, défini comme la perfection, exigeroit une sorte de jugement pareil à celui qui fonde l’estime : l’enthousiasme que le beau doit inspirer ne tient ni aux sensations, ni au jugement ; c’est une disposition innée, comme le sentiment du devoir et les notions nécessaires de l’entendement, et nous reconnoissons la beauté quand nous la voyons, parce qu’elle est l’image extérieure de l’idéal, dont le type est dans notre intelligence. La diversité des goûts peut s’appliquer à ce qui est agréable, car les sensations sont la source de ce genre de plaisir ; mais tous les hommes doivent admirer ce qui est beau, soit dans les arts, soit dans la nature, parce qu’ils ont dans leur âme des sentiments d’origine céleste que la beauté réveille, et dont elle les fait jouir.

Kant passe de la théorie du beau à celle du sublime, et cette seconde partie de sa critique du jugement est plus remarquable encore que la première : il fait consister le sublime dans la liberté morale, aux prises avec le destin ou avec la nature. La puissance sans bornes nous épouvante, la grandeur nous accable, toutefois nous