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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

sont intelligibles, c’est le fini et le passager qu’on seroit souvent tenté de prendre pour un rêve ; car la pensée ne peut voir de terme à rien, et l’être ne sauroit concevoir le néant. On ne peut approfondir les sciences exactes elles-mêmes sans y rencontrer l’infini et l’éternel ; et les choses les plus positives appartiennent autant, sous de certains rapports, à cet infini et à cet éternel, que le sentiment et l’imagination.

De cette application du sentiment de l’infini aux beaux-arts doit naitre l’idéal, c’est-à-dire le beau, considéré, non pas comme la réunion et l’imitation de ce qu’il y a de mieux dans la nature, mais comme l’image réalisée de ce que notre âme se représente. Les philosophes matérialistes jugent le beau sous le rapport de l’impression agréable qu’il cause, et le placent ainsi dans l’empire des sensations ; les philosophes spiritualistes, qui rapportent tout à la raison, voient dans le beau le parfait, et lui trouvent quelque analogie avec l’utile et le bon, qui sont les premiers degrés du parfait. Kant a rejeté l’une et l’autre explication.

Le beau, considéré seulement comme l’agréable, seroit renfermé dans la sphère des sensations, et soumis par conséquent à la différence des