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KANT.

que le sentiment profond de cette dignité est la condition nécessaire de notre être moral, la loi par laquelle il existe. L’empire des sensations et les mauvaises actions qu’elles font commettre ne peuvent pas plus détruire en nous la notion du bien ou du mal que celle de l’espace et du temps n’est altérée par les erreurs d’application que nous en pouvons faire. Il y a toujours, dans quelque situation qu’on soit, une force de réaction contre les circonstances, qui naît du fond de l’âme ; et l’on sent bien que ni les lois de l’entendement, ni la liberté morale, ni la conscience, ne viennent en nous de l’expérience.

Dans son traité sur le sublime et le beau, intitulé : Critique du Jugement, Kant applique aux plaisirs de l’imagination le même système dont il a tiré des développements si féconds dans la sphère de l’intelligence et du sentiment, ou plutôt c’est la même âme qu’il examine, et qui se manifeste dans les sciences, la morale et les beaux-arts. Kant soutient qu’il y a dans la poésie et dans les arts dignes comme elle de peindre les sentiments par des images, deux genres de beauté, l’un qui peut se rapporter au temps et à cette vie, l’autre à l’éternel et à l’infini.

Et qu’on ne dise pas que l’infini et l’éternel