Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

et rien n’est plus touchant que les détails dans lesquels elle entre sur le caractère de chacune d’elles, et les conseils qu’elle leur donne pour leur sort futur. Elle se montre surtout généreuse envers celle dont le mari a été un traître, en accusant formellement Marie elle-même auprès d’Elizabeth : elle veut consoler cette femme de ce malheur, et lui prouver qu’elle n’en conserve aucun ressentiment.

« Toi, dit-elle à sa nourrice, toi, ma fidèle Anna, l’or et les diamants ne t’attirent point ; mon souvenir est le don le plus précieux que je puisse te laisser. Prends ce mouchoir que j’ai brodé pour toi dans les heures de ma tristesse, et que mes larmes brûlantes ont inondé ; tu t’en serviras pour me bander les yeux quand il en sera temps, j’attends ce dernier service de toi. Venez toutes, dit-elle, en tendant la main à ses femmes, venez toutes et recevez mon dernier adieu : recevez-le, Marguerite, Alise, Rosamonde, et toi Gertrude, je sens sur ma main tes lèvres brûlantes. J’ai été bien haïe, mais aussi bien aimée ! Qu’un époux d’une âme noble rende heureuse ma Gertrude, car un cœur si sensible a besoin d’amour ! Berthe, tu as choisi la meilleure part, tu veux être la