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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

sanguinaire, si l’on peut s’exprimer ainsi, et le caractère de femme se montre à travers celui de tyran.

« Ah, Talbot, s’écrie Élizabeth, vous m’avez sauvée aujourd’hui, vous avez détourné de moi le poignard ! pourquoi ne le laissiez-vous pas arriver jusqu’à mon cœur ? le combat étoit fini ; et délivrée de tous mes doutes, pure de toutes mes fautes, je descendois dans mon paisible tombeau : croyez-moi, je suis fatiguée du trône et de la vie ; si l’une des deux reines doit tomber pour que l’autre vive (et cela est ainsi, j’en suis convaincue), pourquoi ne seroit-ce pas moi qui résignerois l’existence ? Mon peuple peut choisir ; je lui rends son pouvoir ; Dieu m’est témoin que ce n’est pas pour moi, mais pour le bien seul de la nation que j’ai vécu. Espère-t-on de cette séduisante Stuart, de cette reine plus jeune, des jours plus heureux, alors je descends du trône, et je retourne dans la solitude de Woodstock où j’ai passé mon humble jeunesse, où, loin des vanités de ce monde, je trouvois ma grandeur en moi-même. Non, je ne suis pas faite pour être souveraine, un maître doit être dur, et mon cœur est foible. J’ai bien gouverné cette