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WALSTEIN, ET MARIE STUART.

l’esprit de la vengeance, pour détourner de vous le cœur de vos sujets. Ils ne verront plus en elle l’ennemie de leur croyance, mais la petite-fille de leurs rois. Le peuple appelle avec fureur cette résolution sanglante ; mais il ne la jugera qu’après l’événement. Traversez alors les rues de Londres, et vous y verrez régner le silence de la terreur ; vous y verrez un autre peuple, une autre Angleterre : ce ne seront plus ces transports de joie qui célébroient la sainte équité dont votre trône étoit environné ; mais la crainte, cette sombre compagne de la tyrannie, ne vous quittera plus ; les rues seront désertes à votre passage ; vous aurez fait ce qu’il y a de plus fort, de plus redoutable. Quel homme sera sûr de sa propre vie, quand la tête royale de Marie n’aura point été respectée ! »

La réponse d’Élizabeth à ce discours est d’une adresse bien remarquable ; un homme dans une pareille situation auroit certainement employé le mensonge pour pallier l’injustice ; mais Elizabeth fait plus, elle veut intéresser pour elle-même en se livrant à la vengeance ; elle voudroit presque obtenir la pitié, en commettant l’action la plus cruelle. Elle a de la coquetterie