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LES BRIGANDS ET D. CARLOS DE SCHILLER

serviteur. » Voilà de la magnanimité : et cependant à quoi tient-elle ? À un certain respect pour la vieillesse ; dans un monarque étonné que la nature se soit permis de le faire vieux ; à l’orgueil qui ne permet pas à Philippe de s’attribuer à lui-même ses revers, en s’accusant d’un mauvais choix ; à l’indulgence qu’il se sent pour un homme abaissé par le sort, lui qui voudroit qu’un joug quelconque courbât tous les genres de fierté, excepté la sienne ; enfin, au caractère même d’un despote, que les obstacles naturels révoltent moins que la plus foible résistance volontaire. Cette scène jette une lueur profonde sur le caractère de Philippe II.

Sans doute le personnage du marquis de Posa peut être considéré comme l’œuvre d’un jeune poëte qui a besoin de donner son âme à son personnage favori ; mais c’est une belle chose en soi-même que ce caractère pur et exalté au milieu d’une cour où le silence et la terreur ne sont troublés que par le bruit souterrain de l’intrigue. Don Carlos ne peut être un grand homme : son père doit l’avoir opprimé dès l’enfance ; le marquis de Posa est un intermédiaire qui semble indispensable entre Philippe et son fils. Don Carlos a tout l’enthousiasme des affec-