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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

pérer. » Mais Philippe II ne se fût jamais entretenu avec un jeune homme tel que le marquis de Posa. Le vieux fils de Charles-Quint ne devoit voir, dans la jeunesse et l’enthousiasme, que le tort de la nature et le crime de la réformation ; s’il avoit pu se confirmer un jour à un être généreux, il eût démenti son caractère et mérité le pardon des siècles.

Il y a des inconséquences dans le caractère de tous les hommes, même dans celui des tyrans ; mais elles tiennent par des liens invisibles à leur nature. Dans la pièce de Schiller, une de ces inconséquences est singulièrement bien saisie. Le duc de Medina-Sidonia, général avancé en âge, qui a condamné l’invincible armada dissipée par la flotte anglaise et les orages, revient, et tout le monde croit que le courroux de Philippe II va l’anéantir. Les courtisans s’écartent de lui, nul n’ose l’approcher ; il se jette aux genoux de Philippe, et lui dit : «  Sire, vous voyez en moi tout ce qui reste de la flotte et de l’intrépide armée que vous m’aviez confiées. » — « Dieu est au dessus de moi, répond Philippe ; je vous ai envoyé contre des hommes, mais non pas contre des tempêtes ; soyez considéré comme mon digne