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LES BRIGANDS ET D. CARLOS DE SCHILLER

sonnages qu’il représente, et l’on auroit raison de critiquer plus sévèrement un anachronisme dans les sentiments et dans les pensées que dans les dates.

C’est d’après ces principes que quelques personnes ont blâmé Schiller d’avoir inventé le caractère du marquis de Posa, noble Espagnol, partisan de la liberté, de la tolérance, passionné pour toutes les idées nouvelles qui commençoient alors à fermenter en Europe. Je crois qu’on peut reprocher à Schiller d’avoir fait énoncer ses propres opinions par le marquis de Posa ; mais ce n’est pas, comme on l’a prétendu, l’esprit philosophique du dix-huitième siècle qu’il lui a donné. Le marquis de Posa, tel que l’a peint Schiller, est un enthousiaste allemand ; et ce caractère est si étranger à notre temps, qu’on peut aussi-bien le croire du seizième siècle que du nôtre. Une plus grande erreur peut-être, c’est de supposer que Philippe II pût écouter long-temps avec plaisir un tel homme, et qu’il lui ait donné même pour un instant sa confiance. Posa dit, avec raison, en parlant de Philippe II : — « Je faisois d’inutiles efforts pour exalter son âme, et dans cette terre refroidie les fleurs de ma pensée ne pouvoient pros-