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LES BRIGANDS ET D. CARLOS DE SCHILLER

M. l’ambassadeur, lui disoit-on, faites attention que la pièce est terminée, que l’auteur y a consacré trois ans de sa vie. — Mais, mon Dieu, reprenoit l’ambassadeur, n’y a-t-il donc que cet événement dans l’histoire ? Qu’il en choisisse un autre. — Jamais on ne put le faire sortir de cet ingénieux raisonnement qu’appuyoit une volonté forte.

Les sujets historiques exercent le talent d’une toute autre manière que les sujets d’invention ; néanmoins il faut peut-être encore plus d’imagination pour représenter l’histoire dans une tragédie que pour créer à volonté les situations et les personnages. Altérer essentiellement les faits en les transportant sur la scène, c’est toujours produire une impression désagréable ; on s’attend à la vérité, et l’on est péniblement surpris quand l’auteur y substitue la fiction quelconque qu’il lui a plu de choisir : cependant l’histoire a besoin d’être artistement combinée pour faire effet au théâtre, et il faut réunir tout à la fois, dans la tragédie, le talent de peindre le vrai et celui de le rendre poétique. Des difficultés d’un autre genre se présentent quand l’art dramatique parcourt le vaste champ de l’invention ; on diroit qu’il est plus libre, ce-