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LES BRIGANDS ET D. CARLOS DE SCHILLER

s’intéressant toujours au fond du cœur à celui qu’elle aimoit avant qu’il se fût rendu criminel. Le respect qu’une femme est accoutumée de ressentir pour l’homme qu’elle aime se change en une sorte de terreur et de pitié, et l’on diroit que l’infortunée se flatte encore d’être, dans le ciel, l’ange protecteur de son coupable ami, alors qu’elle ne peut plus devenir son heureuse compagne sur la terre.

On ne peut juger de la pièce de Schiller dans la traduction française. On n’y a conservé pour ainsi dire que la pantomime de l’action ; l’originalité des caractères a disparu ; et c’est elle qui seule peut rendre une fiction vivante ; les plus belles tragédies deviendroient des mélodrames si l’on en ôtait la peinture animée des sentiments et des passions. La force des événements ne suffit pas pour lier le spectateur avec les personnages ; qu’ils s’aiment ou qu’ils se tuent, peu nous importe, si l’auteur n’a pas excité notre sympathie pour eux.

Don Carlos est aussi un ouvrage de la jeunesse de Schiller, et cependant on le considère comme une composition du premier rang. Ce sujet de don Carlos est un des plus dramatiques que l’histoire puisse offrir. Une jeune