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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

poser des qualités parce qu’on se sent des défauts, cette garantie négative est très-peu certaine, car de ce que l’on manque de raison, il ne s’ensuit pas du tout qu’en ait de la sensibilité : la folie n’est souvent qu’un égoïsme impétueux.

Le rôle du fils hypocrite, tel que Schiller l’a représenté, est beaucoup trop haïssable. C’est un des défauts des écrivains très-jeunes, de dessiner avec des traits trop brusques ; on prend les nuances dans les tableaux pour de la timidité de caractère, tandis qu’elles sont la preuve de la maturité du talent. Si les personnages en seconde ligne ne sont pas peints avec assez de vérité dans la pièce de Schiller, les passions du chef des brigands y sont exprimées d’une manière admirable. L’énergie de ce caractère se manifeste tour à tour par l’incrédulité, la religion, l’amour et la barbarie ; ne trouvant point à se placer dans l’ordre, il se fait jour à travers le crime ; l’existence est pour lui comme une sorte de délire qui s’exalte tantôt par la fureur et tantôt par le remords.

Les scènes d’amour entre la jeune fille et le chef des brigands qui devoit être son époux sont admirables d’enthousiasme et de sensibilité ; il est peu de situations plus touchantes que celles de cette femme parfaitement vertueuse,