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LES BRIGANDS ET D. CARLOS DE SCHILLER

toient que fatigués de leur situation particulière. Leurs essais de révolte ne furent que ridicules, néanmoins les tragédies et les romans ont beaucoup plus d’importance en Allemagne que dans aucun autre pays. On y fait tout sérieusement ; et lire tel ouvrage, ou voir telle pièce, influe sur le sort de la vie. Ce qu’on admire comme art, on veut l’introduire dans l’existence réelle. Werther a causé plus de suicides que la plus belle femme du monde ; et la poésie, la philosophie, l’idéal enfin, ont souvent plus d’empire sur les Allemands que la nature et les passions même :

Le sujet des Brigands est comme celui d’un grand nombre de fictions, qui toutes ont pour origine la parabole de l’Enfant prodigue. Un fils hypocrite se conduit bien en apparence. Un fils coupable a de bons sentiments malgré ses fautes. Cette opposition et très-belle sous le point de vue religieux, parce qu’elle nous atteste que Dieu lit dans les cœurs ; mais elle a de grands inconvénients lorsqu’on veut inspirer trop d’intérêt pour le fils qui a quitté la maison paternelle. Tous les jeunes gens dont la tête est mauvaise s’attribuent en conséquence un bon cœur, et rien n’est plus absurde cependant que de se sup-