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DES DRAMES DE LESSING

transporté dans une circonstance moderne et particulière ; ce sont des sentiments trop forts pour le cadre, c’est une action trop énergique pour qu’on puisse l’attribuer à un nom inconnu. Lessing avoit sans doute un sentiment d’humeur assez républicain contre les courtisans, car il se complaît dans la peinture de celui qui veut aider son maître à déshonorer une jeune fille innocente ; ce courtisan Martinelli est presque trop vil pour la vraisemblance, et les traits de sa bassesse n’ont pas assez d’originalité : l’on sent que Lessing l’a représenté ainsi dans un but hostile, et rien ne nuit à la beauté d’une fiction comme une intention quelconque qui n’a pas cette beauté même pour objet. Le personnage du prince est traité par l’auteur avec plus de finesse ; les passions tumultueuses et la légèreté de caractère, dont la réunion est si funeste dans un homme puissant, se font sentir dans toute sa conduite ; un vieux ministre lui apporte des papiers, parmi lesquels se trouve une sentence de mort : dans son impatience d’aller voir celle qu’il aime, le prince est prêt à la signer sans y regarder ; le ministre prend un prétexte pour ne la pas donner, frémissant de voir exercer avec cette irréflexion une telle puissance. Le