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DES BEAUX-ARTS EN ALLEMAGNE

est tout au plus âgé de deux ans ; mais le peintre a su merveilleusement exprimer la force puissante de l’être divin dans un visage à peine formé. Le regard des anges enfants qui sont placés au bas du tableau est délicieux ; il n’y a que l’innocence de cet âge qui ait encore du charme à côté de la céleste candeur ; leur étonnement à l’aspect de la Vierge rayonnante ne ressemble point à la surprise que les hommes pourroient éprouver ; ils ont l’air de l’adorer avec confiance, parce qu’ils reconnoissent en elle une habitante de ce ciel qu’ils viennent naguère de quitter.

La Nuit du Corrège est, après la Vierge de Raphaël, le plus beau chef-d’œuvre de la galerie de Dresde. On a représenté bien souvent l’adoration des bergers ; mais comme la nouveauté du sujet n’est presque de rien dans le plaisir que cause la peinture, il suffit de la manière dont le tableau du Corrège est conçu pour l’admirer : c’est au milieu de la nuit que l’enfant sur les genoux de sa mère reçoit les hommages des pâtres étonnés. La lumière qui part de la sainte auréole dont sa tête est entourée a quelque chose de sublime ; les personnages placés dans le fond du tableau, et loin de l’enfant divin, sont encore dans les ténèbres, et l’on diroit que cette obscu-