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LES CRITIQUES A. W. ET F. SCHLEGEL

distinctifs du caractère français s’étoient effacés pendant le cours du règne de Louis XIV : la littérature, disent-ils, dans les siècles appelés classiques, perd en originalité ce qu’elle gagne en correction ; ils ont attaqué nos poëtes en particulier avec une grande force d’arguments et de moyens. L’esprit général de ces critiques est le même que celui de Rousseau dans sa lettre contre la musique française. Ils croient trouver dans plusieurs de nos tragédies l’espèce d’affectation pompeuse que Rousseau reproche à Lully et à Rameau, et ils prétendent que le même goût qui faisoit préférer Coypel et Boucher dans la peinture, et le Chevalier Bernin dans la sculpture, interdit à la poésie l’élan qui seul en fait une jouissance divine ; enfin ils feraient tentés d’appliquer à notre manière de concevoir et d’aimer les beaux-arts ces vers tant cités de Corneille :

Othon à la princesse a fait un compliment
Plus en homme d’esprit qu’en véritable amant.

W. Schlegel rend hommage cependant à la plupart de nos grands auteurs ; mais ce qu’il s’attache à prouver seulement, c’est que depuis le milieu du dix-septième siècle le genre maniéré a dominé dans toute l’Europe, et que cette ten-