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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

la tragédie et la comédie est traitée dans le cours de W. Schlegel avec une grande profondeur philosophique ; ce genre de mérite se retrouve souvent parmi les écrivains allemands ; mais Schlegel n’a point d’égal dans l’art d’inspirer de l’enthousiasme pour les grands génies qu’il admire ; il se montre en général partisan d’un goùt simple et quelquefois même d’un goût rude ; mais il fait exception à cette façon de voir en faveur des peuples du midi. Leurs jeux de mots et leurs concetti ne sont point l’objet de sa censure ; il déteste le maniéré qui naît de l’esprit de société, mais celui qui vient du luxe de l’imagination lui plaît en poésie, comme la profusion des couleurs et des parfums dans la nature. Schlegel, après s’être acquis une grande réputation par sa traduction de Shakespear, a pris pour Calderon un amour aussi vif, mais d’un genre très-différent de celui que Shakespear peut inspirer ; car autant l’auteur anglais est profond et sombre dans la connoissance du cœur humain, autant le poëte espagnol s’abandonne avec douceur et charme à la beauté de la vie, à la sincérité de la foi, à tout l’éclat des vertus que colore le soleil de l’âme.

J’étois à Vienne quand W. Schlegel y donna