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LES CRITIQUES A. W. ET F. SCHLEGEL

il m’a semblé que j’entrois dans une sphère nouvelle où se manifestoient les lumières les plus frappantes sur tout ce que je sentois auparavant d’une manière confuse. Depuis quelque temps on ne lit guère en France que des mémoires ou des romans, et ce n’est pas tout-à-fait par frivolité qu’on est devenu moins capable de lectures plus sérieuses, c’est parce que les événements de la révolution ont accoutumé à ne mettre de prix qu’à la connoissance des faits et des hommes : on trouve dans les livres allemands, sur les sujets les plus abstraits, le genre d’intérêt qui fait rechercher les bons romans, c’est-à-dire ce qu’ils nous apprennent sur notre propre cœur. Le caractère distinctif de la littérature allemande est de rapporter tout à l’existence intérieure ; et comme c’est là le mystère des mystères, une curiosité sans bornes s’y attache.

Avant de passer à la philosophie, qui fait toujours partie des lettres dans les pays où la littérature est libre et puissante, je dirai quelques mots de ce qu’on peut considérer comme la législation de cet empire, la critique. Il n’est point de branche de la littérature allemande qui ait été portée plus loin, et comme dans de certaines villes l’on trouve plus de médecins que de malades, il y a quel-