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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

Charles occupoit déjà les hauteurs, et se croyoit maître de l’armée qu’il voyoit de loin dans la plaine ; tout à coup, au lever du soleil, il aperçut les Suisses qui, suivant la coutume de leurs pères, se mettoient tous à genoux pour invoquer avant le combat la protection du Seigneur des seigneurs ; les Bourguignons crurent qu’ils se mettoient à genoux ainsi pour rendre les armes, et poussèrent des cris de triomphe ; mais tout à coup ces chrétiens, fortifiés par la prière, se relèvent, se précipitent sur leurs adversaires, et remportent à la fin la victoire dont leur pieuse ardeur les avoit rendus dignes. Des circonstances de ce genre se retrouvent souvent dans l’histoire de Müller, et son langage ébranle l’âme, lors même que ce qu’il dit n’est point pathétique : il y a quelque chose de grave, de noble et de sévère dans son style, qui réveille puissamment le souvenir des vieux siècles.

C’étoit cependant un homme mobile avant tout que Müller ; mais le talent prend toutes les formes, sans avoir pour cela un moment d’hypocrisie. Il est ce qu’il paroît, seulement il ne peut se maintenir toujours dans la même disposition, et les circonstances extérieures le modifient. C’est surtout à la couleur de son style que Müller