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DES HISTORIENS ALLEMANDS

Müller, qu’on peut considérer comme le véritable historien classique d’Allemagne, lisoit habituellement les auteurs grecs et latins dans leur langue originale ; il cultivoit la littérature et les arts pour les faire servir à l’histoire. Son érudition sans bornes, loin de nuire à sa vivacité naturelle, étoit comme la base d’où son imagination prenoit l’essor, et la vérité vivante de ses tableaux tenoit à leur fidélité scrupuleuse ; mais s’il savoit admirablement se servir de l’érudition, il ignoroit l’art de s’en dégager quand il le falloit. Son histoire est beaucoup trop longue ; il n’en a pas assez resserré l’ensemble. Les détails sont nécessaires pour donner de l’intérêt au récit des événements ; mais on doit choisir parmi les événements ceux qui méritent d’être racontés.

L’ouvrage de Müller est une chronique éloquente ; si pourtant toutes les histoires étoient ainsi conçues, la vie de l’homme se consumeroit toute entière à lire la vie des hommes. Il seroit donc à souhaiter que Müller ne se fût pas laissé séduire par l’étendue même de ses connoissances. Néanmoins les lecteurs, qui ont d’autant plus de temps à donner qu’ils l’emploient mieux, se pénétreront toujours avec un plaisir nouveau de ces illustres annales de la Suisse. Les discours