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DES HISTORIENS ALLEMANDS

flexions quelque chose de plus ou de moins étendu[1]. Par un contraste singulier, c’est Schiller, le grand auteur dramatique, qui a mis peut-être trop de philosophie, et par conséquent trop d’idées générales dans ses récits, et c’est Müller, le plus savant des historiens, qui a été vraiment poëte dans sa manière de peindre les événements et les hommes. Il faut distinguer dans l’histoire de la Suisse l’érudit et l’écrivain d’un grand talent : ce n’est qu’ainsi, ce me semble, qu’on peut parvenir à rendre justice à Müller. C’étoit un homme d’un savoir inouï, et ses facultés en ce genre faisoient vraiment peur. On ne conçoit pas comment la tête d’un homme a pu contenir ainsi un monde de faits et de dates. Les six mille ans à nous connus étoient parfaitement rangés dans sa mémoire, et ses études avoient été si profondes qu’elles étoient vives comme des souvenirs. Il n’y a pas un village de Suisse, pas une famille noble dont il ne sût l’histoire. Un jour, en consé-

  1. On ne peut oublier, parmi les historiens philosophiques, M. Heeren, qui vient de publier des Considérations sur les croisades, dans lesquelles une parfaite impartialité est le résultat des connoissances les plus rares et de la force de la raison.