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DES ROMANS

majestueuse qui étoit sur l’autel, et dirent : — Jésus, n’avons-nous pas de père ? — et il répondit, avec un torrent de larmes : — Nous sommes tous orphelins, moi et vous nous n’avons point de père. — À ces mots, le temple et les enfants s’abîmèrent, et tout l’édifice du monde s’écroula devant moi dans son immensité. »

Je n’ajouterai point de réflexions à ce morceau, dont l’effet dépend absolument du genre d’imagination des lecteurs. Le sombre talent qui s’y manifeste m’a frappée, et il me paraît beau de transporter ainsi au-delà de la tombe l’horrible effroi que doit éprouver la créature privée de Dieu.

On n’en finiroit point si l’on vouloit analyser la foule de romans spirituels et touchants que l’Allemagne possède. Ceux de La Fontaine en particulier, que tout le monde lit au moins une fois avec tant de plaisir, sont en général plus intéressants par les détails que par la conception même du sujet. Inventer devient tous les jours plus rare, et d’ailleurs il est très-difficile que les romans qui peignent les mœurs puissent plaire d’un pays à l’autre. Le grand avantage donc qu’on peut tirer de l’étude de la littérature alle-