Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

portait l’empreinte d’une impérissable douleur ; les morts s’écrièrent : — Ô Christ ! n’est-il point de Dieu ? — Il répondit : — Il n’en est point. — Toutes les ombres se prirent à trembler avec violence, et le Christ continua ainsi : — J’ai parcouru les mondes, je me suis élevé au-dessus des soleils, et là aussi il n’est point de Dieu ; je suis descendu jusqu’aux dernières limites de l’univers, j’ai regardé dans l’abîme et je me suis écrié : — Père, où es-tu ? — mais je n’ai entendu que la pluie qui tomboit goutte à goutte dans l’abîme, et l’éternelle tempête, que nul ordre ne régit, m’a seule répondu. Relevant ensuite mes regards vers la voûte des cieux, je n’y ai trouvé qu’un orbite vide, noir et sans fond. L’éternité reposoit sur le chaos et le rongeoit et se dévoroit lentement elle-même ; redoublez vos plaintes amères et déchirantes ; que des cris aigus dispersent les ombres, car c’en est fait. —

Les ombres désolées s’évanouirent comme la vapeur blanchâtre que le froid a condensée ; l’église fut bientôt déserte ; mais tout à coup, spectacle affreux, les enfants morts, qui s’étoient réveillés à leur tour dans le cimetière, accoururent et se prosternèrent devant la figure