Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
323
DES ROMANS.

manque, et cet œil est perdu sans ressource. Son fils, sans le lui dire, étudie chez un oculiste, et, nu bout d’une année, il est jugé capable d’opérer l’œil que l’on peut encore sauver à son père. Le père, ignorant l’intention de son fils, croit se remettre entre les mains d’un étranger, et se prépare, avec fermeté, au moment qui va décider si le reste de sa vie se passera dans les ténèbres ; il recommande même qu’on éloigne son fils de sa chambre, afin qu’il ne soit pas trop ému en assistant à cette redoutable décision. Le fils s’approche en silence de son père ; sa main ne tremble pas ; car la circonstance est trop forte pour les signes ordinaires de l’attendrissement. Toute l’âme se concentre dans une seule pensée, et l’excès même de la tendresse donne cette présence d’esprit surnaturelle, à laquelle succéderait l’égarement, si l’espoir étoit perdu. Enfin- l’opération réussit, et le père, en recouvrant la lumière, aperçoit le fer bienfaisant dans la main de son propre fils !

Un autre roman du même auteur présente aussi une situation très-touchante. Un jeune aveugle demande qu’on lui décrive le coucher du soleil dont il sent les rayons doux et purs dans l’atmosphère comme l’adieu d’un ami. Celui