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DES ROMANS.

fait rire sans avoir ri ; cette gaieté, que les Anglais appellent humour, se trouve aussi dans plusieurs écrits allemands ; mais il est presque impossible de les traduire. Quand la plaisanterie consiste dans une pensée philosophique heureusement exprimée, comme le Gulliver de Swift, le changement de langue n’y fait rien ; mais Tristam Shandy de Sterne perd en français presque toute sa grâce. Les plaisanteries qui consistent dans les formes du langage en disent peut-être à l’esprit mille fois plus que les idées, et cependant on ne peut transmettre aux étrangers ces impressions si vives, excitées par des nuances si fines.

Claudius est un des auteurs allemands qui a le plus de cette gaieté nationale, partage exclusif de chaque littérature étrangère. Il a publié un recueil composé de plusieurs pièces détachées sur différents sujets ; il en est quelques-unes de mauvais goût, quelques autres de peu d’importance, mais il y règne une originalité et une vérité qui rendent les moindres choses piquantes. Cet écrivain, dont le style est revêtu d’une apparence simple, et quelquefois même vulgaire, pénètre jusqu’au fond du cœur, par la sincérité de ses sentiments. Il vous fait pleurer comme il