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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

dans le fond de soi-même ; mais un homme de génie tel que Goethe doit servir de guide à ses admirateurs dans une route assurée. Il n’est plus temps de douter, il n’est plus temps de mettre, à propos de toutes choses, des idées ingénieuses dans les deux côtés de la balance ; il faut se livrer à la confiance, à l’enthousiasme, à l’admiration que la jeunesse immortelle de l’âme peut toujours entretenir en nous-mêmes ; cette jeunesse renaît des cendres mêmes des passions : c’est le rameau d’or qui ne peut se flétrir, et donne à la Sibylle l’entrée dans les champs élysiens.

Tieck mérite d’être cité dans plusieurs genres ; il est l’auteur d’un roman, Sternbald, dont la lecture est délicieuse ; les événements y sont en petit nombre, et ce qu’il y en a n’est pas même conduit jusqu’au dénouement ; mais on ne trouve nulle part, je crois, une si agréable peinture de la vie d’un artiste ; l’auteur place son héros dans le beau siècle des arts, et le suppose écolier d’Albert Dürer, contemporain de Raphaël. Il le fait voyager dans diverses contrées de l’Europe, et peint avec un charme tout nouveau le plaisir que doivent causer les objets extérieurs, quand on n’appartient exclusivement à aucun pays, ni