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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

Français ; ce n’est pas comme dans Voltaire une idée générale qu’on exprime par un fait en forme d’apologue, mais c’est un tableau de la vie humaine tout-à-fait impartial, un tableau dans lequel aucun intérêt passionné ne domine ; des situations diverses se succèdent dans tous les rangs, dans tous les états, dans toutes les circonstances, et l’écrivain est là pour les raconter ; c’est ainsi que Goethe a conçu Wilhelm Meister, ouvrage très-admiré en Allemagne, mais ailleurs peu connu.

Wilhelm Meister est plein de discussions ingénieuses et spirituelles ; on en feroit un ouvrage philosophique du premier ordre, s’il ne s’y mêloit pas une intrigue de roman, dont l’intérêt ne vaut pas ce qu’elle fait perdre ; on y trouve des peintures très-fines et très-détaillées d’une certaine classe de la société, plus nombreuse en Allemagne que dans les autres pays ; classe dans laquelle les artistes, les comédiens et les aventuriers se mêlent avec les bourgeois qui aiment la vie indépendante, et avec les grands seigneurs qui croient protéger les arts : chacun de ces tableaux pris à part est charmant ; mais il n’y a d’autre intérêt dans l’ensemble de l’ouvrage que celui qu’on doit mettre à savoir l’opinion de