Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
DES ROMANS.

faut des vers pour les choses merveilleuses, la prose n’y suffit pas. Quand les fictions représentent des siècles et des pays très-différents de ceux où nous vivons, il faut que le charme de la poésie supplée au plaisir que la ressemblance avec nous-mêmes nous feroit goûter. La poésie est le médiateur ailé qui transporte les temps passés et les nations étrangères dans une région sublime où l’admiration tient lieu de sympathie.

Les romans de chevalerie abondent en Allemagne ; mais on auroit dû les rattacher plus scrupuleusement aux traditions anciennes : à présent on recherche ces sources précieuses ; et, dans un livre appelé le Livre des Héros, on a trouvé une foule d’aventures racontées avec force et naïveté ; il importe de conserver la couleur de ce style et de ces mœurs anciennes, et de ne pas prolonger, par l’analyse des sentiments, les récits de ces temps où l’honneur et l’amour agissoient sur le cœur de l’homme, comme la fatalité chez les anciens, sans qu’on réfléchît aux motifs des actions, ni que l’incertitude y fût admise.

Les romans philosophiques ont pris depuis quelque temps, en Allemagne, le pas sur tous les autres ; ils ne ressemblent point à ceux des