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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

été déchirés. Les anciens n’auroient jamais fait ainsi de leur âme un sujet de fiction ; il leur restoit un sanctuaire où même leur propre regard auroit craint de pénétrer ; mais enfin le genre des romans admis, il y faut de l’intérêt, et c’est, comme le disoit Cicéron de l’action dans l’orateur, la condition trois fois nécessaire.

Les Allemands comme les Anglais sont très-féconds en romans qui peignent la vie domestique. La peinture des mœurs est plus élégante dans les romans anglais ; elle a plus de diversité dans les romans allemands. Il y a en Angleterre, malgré l’indépendance des caractères, une manière d’être générale donnée par la bonne compagnie ; en Allemagne rien à cet égard n’est convenu. Plusieurs de ces romans fondés sur nos sentiments et nos mœurs, et qui tiennent parmi les livres le rang des drames au théâtre, méritent d’être cités, mais ce qui est sans égal etsans pareil, c’est Werther : on voit là tout ce que le génie de Goethe pouvoit produire quand il étoit passionné. L’on dit qu’il attache maintenant peu de prix à cet ouvrage de sa jeunesse ; l’effervescence d’imagination, qui lui inspira presque de l’enthousiasme pour le suicide, doit lui paroitre maintenant blâmable. Quand on est très-jeune, la dé-