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De la déclamation.

tuation avec une grande force. Talma sait donner à la tragédie de Manlius l’énergie qui lui manque, et rien n’honore davantage son talent que la vérité avec laquelle il exprime ce qu’il y a d’invincible dans l’amitié. La passion peut haïr l’objet de son amour ; mais quand le lien s’est formé par les rapports sacrés de l’âme, il semble que le crime même ne sauroit l’anéantir, et qu’on attend le remords comme après une longue absence on attendroit le retour.

En parlant avec quelque détail de Talma, je ne crois point m’être arrêtée sur un sujet étranger à mon ouvrage. Cet artiste donne autant qu’il est possible à la tragédie française ce qu’à tort ou à raison les Allemands lui reprochent de n’avoir pas, l’originalité et le naturel. Il sait caractériser les mœurs étrangères dans les diverses pièces qu’il représente, et nul acteur ne hasarde davantage de grands effets par des moyens simples. Il y a dans sa manière de déclamer Shakespear et Racine artistement combinés. Pourquoi les écrivains dramatiques n’essaieroient-ils pas aussi de réunir dans leurs compositions ce que l’acteur a su si bien amalgamer par son jeu ?