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De la déclamation.

vore, et dont une femme qu’il croit sa sœur est l’objet, est renfermée dans son sein ; on diroit, à sa marche incertaine, que c’est lui-même qu’il veut fuir ; ses yeux se détournent de ce qu’il aime, ses mains repoussent une image qu’il croit toujours voir à ses côtés ; et quand enfin il presse Saléma sur son cœur, en lui disant ce simple mot « J’ai froid, » il sait exprimer tout à la fois le frisson de l’âme et la dévorante ardeur qu’il veut cacher.

On peut trouver beaucoup de défauts dans les pièces de Shakespear adaptées par Ducis à notre théâtre ; mais il seroit bien injuste de n’y pas reconnoître des beautés du premier ordre ; Ducis a son génie dans son cœur, et c’est là qu’il est bien. Talma joue ses pièces en ami du beau talent de ce noble vieillard. La scène des sorcières, dans Macbeth, est mise en récit dans la pièce française. Il faut voir Talma s’essayer à rendre quelque chose de vulgaire et de bizarre dans l’accent des sorcières, et conserver cependant dans cette imitation toute la dignité que notre théâtre exige.

Par des mois inconnus, ces êtres monstrueux
S’appeloient tour à tour, s’applaudissoient entre eux,