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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

Belloy le service de lui ôter ces airs de fanfaron que les autres acteurs croyoient devoir lui donner : ce héros gascon est redevenu, grâce à Talma, aussi simple dans la tragédie que dans l’histoire. Son costume dans ce rôle, ses gestes simples et rapprochés, rappellent les statues des chevaliers qu’on voit dans les anciennes églises, et l’on s étonne qu’un homme qui a si bien le sentiment de l’art antique sache aussi se transporter dans le caractère du moyen âge.

Talma joue quelquefois le rôle de Pharan, dans une tragédie de Ducis, sur un sujet arabe, Abuffar. Une foule de vers ravissants répandent sur cette tragédie beaucoup de charme ; les couleurs de l’Orient, la mélancolie rêveuse du midi asiatique, la mélancolie des contrées où la chaleur consume la nature au lieu de l’embellir, se font admirablement sentir dans cet ouvrage. Le même Talma, Grec, Romain et chevalier, est un Arabe du désert, plein d’énergie et d’amour ; ses regards sont voilés comme pour éviter l’ardeur des rayons du soleil ; il y a dans ses gestes une alternative admirable d’indolence et d’impétuosité ; tantôt le sort l’accable, tantôt il paroit plus puissant encore que la nature, et semble triompher d’elle : la passion qui le dé-