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De la déclamation.

l’applaudissement, et le méritent presque pour chaque vers ; les acteurs allemands y prétendent à la fin de la pièce, et ne l’obtiennent guère qu’alors.

La diversité des scènes et des situations qui se trouvent dans les pièces allemandes donne lieu nécessairement à beaucoup plus de variété dans le talent des acteurs. Le jeu muet compte pour davantage, et la patience des spectateurs permet une foule de détails qui rendent le pathétique plus naturel. L’art d’un acteur en France consiste presque en entier dans la déclamation ; en Allemagne il y a beaucoup plus d’accessoires à cet art principal, et souvent la parole est à peine nécessaire pour attendrir.

Lorsque Schroeder, jouant le roi Lear, traduit en allemand, étoit apporté endormi sur la scène, on dit que ce sommeil du malheur et de la vieillesse arrachoit des larmes avant qu’il se fût réveillé, avant même que ses plaintes eussent appris ses douleurs ; et quand il portoit dans ses bras le corps de sa jeune fille Cornélie, tuée parce qu’elle n’a pas voulu l’abandonner, rien n’étoit beau comme la force que lui donnoit le désespoir. Un dernier doute le soutenoit, il essayoit si Cornélie respiroit encore : lui, si vieux, ne pouvoit se